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jeudi 11 juillet 2013

Rapport de la Procuratura générale sur les ONG: des résultats détonnants

Voir: http://www.genproc.gov.ru/smi/news/genproc/news-83567/

Après en avoir présenté les grandes lignes au Président russe, le procureur général Y. Tchaïka, a fait une longue intervention devant le Conseil de la Fédération, la Chambre haute du Parlement, concernant l'activité et le financement des ONG russes et l'application de la nouvelle législation concernant le financement étranger des activités politiques de certaines ONG, dès lors appelées agent étranger.
 
Le rapport du Procureur général montre l'ampleur du financement étranger ces dernières années des ONG russes. Ainsi, de novembre 2012 à avril 2013, 2226 ONG russes ont touché 30,8 milliards de roubles de l'étranger. Et dans ce chiffre, on décompte 358 ONG créées par des structures étatiques, ayant touché 6,6 milliards de roubles de l'étranger, ce qui n'est pas négligeable non plus.
 
Comme les ONG ne s'enregistrent pas sur le registre spécial pour les agents étrangers, le procuratura générale a vérifié les statuts d'un millier d'ONG. Parmis celles-ci, 215 présentent dans leur sphère d'activité des signes d'activité politique et ont reçu entre 2010 et 2013 plus de 6 milliards de roubles. 22 d'entres elles remplissent absolument tous les critères et ont reçu plus de 800 millions de roubles, sans se reconnaître agent étranger. Pour autant, elles participaient dans les processus électoraux, dans les évènements publics, à l'élaboration des projets de lois et rendaient compte de leur activité à leurs "sponsors" étrangers.
 
Cela est le cas, par exemple, du Conseil indépendant d'expertise juridique, financé par l'ambassade de Grande Bretagne et par le fond américain pour le développement de la démocratie NED à hauteur de 5 millions de roubles. Son activité concerne l'analyse et l'appréciation des processus politiques en Russie, la préparation et l'adpotion de décisions par les organes publics (législatifs, exécutifs et judiciaires) et des propositions de modifications de la législation russe.
 
D'une manière générale, cela concerne principalement les ambassades en Russie des Etats Unis, de Grande Bretagne, de Belgique, d'Allemagne, des Pays bas et de Suisse. Le recours à des ONG implantées en Russie pour interférer dans les affaires internes du pays où se trouve l'ambassade peut poser des problèmes au regard du droit international.
 
193 ONG parmis les 300 touchant plus de 5 milliards de roubles de l'étranger ont, depuis l'entrée en vigueur de la loi, soit cessées leur activité politique, soit ne perçoivent plus de financement de l'étranger.
 
Mais cet aspect reste discutable, car des schémas sont mis en place pour contourner la législation. Il s'agit notamment de dons par des personnes privées ou par des structures qui elles reçoivent cet argent de l'étranger, le "nationalise" et le reverse à des ONG russes. Comme la provenance de l'argent des finançeurs n'est pas un critère, s'ils sont russes, leur argent aussi le devient.
 
Dans la plupart des cas, seuls des avertissements ont été prononcé à l'encontre des ONG vérifiées et en infraction. Car, souvent elles sont également en infraction à la législation fiscale et parfois l'utilisation des fonds alloués soulève quelques questions.
 
Un dernier exemple. L'ONG Memorial à Saint Petersbourg a perçu 400 000 roubles pour la réalisation d'un programme de soutien aux personnes âgées. Finalement, seulement 15% de la somme a été utilisée à cette fin, le reste a servi au paiement de salaires, du loyer et autre.
 
D'une manière générale, le rapport soulève également la question de l'implantation de ces ONG dans les structures d'influence, de soft power. En effet, 4 des ces ONG, par exemple sont membres du Conseil auprès du Président de la Fédération de Russie pour les droits de l'homme et le développement de la société civile. Elle participent donc activement à l'expertise des projets de lois et à l'élaboration de la politique législative. Plus concrètement, afin de mieux séparer les milieux des ONG de celui de la fonction publique, le Procureur Général préconise une interdiction pour les fonctionnaires d'entrer dans les ONG.
 
C'est peut-être pour ces raisons que la vague de vérification lancée par la Procuratura générale a eu un tel retentissement dans la presse libérale russe, mais aussi à l'étranger...

mercredi 10 juillet 2013

Des spécialistes étrangers pour former les hauts fonctionnaires russes

Voir: http://www.vedomosti.ru/opinion/news/14011251/sekta-nizkopokloncev?fb_action_ids=487940164615993&fb_action_types=og.recommends&fb_source=other_multiline&action_object_map=%7B%22487940164615993%22%3A135284413346673%7D&action_type_map=%7B%22487940164615993%22%3A%22og.recommends%22%7D&action_ref_map=%5B%5D

La relation de la Russie à l' "Occident", autrement dit à cette assimilation de l'Europe et des Etats Unis, dont l'histoire, les conceptions et les idéologies sont pourtant historiquement différentes (même si elles se rapprochent dangereusement aujourd'hui), est extrêmement complexe. Elle se conjugue sur le mode du "Je t'aime moi non plus".
 
Dans cet article de Vedomosti, l'auteur met le doigt sur cette ambigüité, même si l'argumentation est un peu fallacieuse. D'un côté la stigmatisation des ONG financées de l'étranger et ayant une activité politique, qualifiées d'agent étranger (concept fiscal), d'un autre côté le recours à des spécialistes étrangers pour former les gouverneurs, les maires et même les élus de la "réserve de personnelle" (sorte "d'élite" potentielle de réserve de la haute fonction publique).
 
Quelle est la logique?
 
Tout d'abord, le parallèle avec les agents étrangers est un peu forcé. Car le problème des ONG financées de l'étranger exerçant une activité politique ne réside pas dans le fait de leur existence, mais dans le fait qu'elles n'affichent pas l'origine de leur financement avec toutes les implications de politique interieure à l'organisation que cela entraîne. Leur activité n'est pas interdite par la législation russe, elles doivent simplement se déclarer comme telles, pour que cela soit connu. Or, le recours à des spécialites étrangers est un choix du pouvoir. Ces spécialistes ne se présentent pas comme russes, mais justement comme des étrangers, ce qui permet de garder la barrière psychologique.
 
Pourtant, l'auteur a raison de souligner cette vision un peu naïve de l'étranger, "expert" particulièrement compétent du simple fait de sa nationalité, image véhiculée également dans la littérature russe à travers les siècles. Cette image a été renforcée à l'époque soviétique, où le rejet de l'étranger s'est développé proportionnellement à son idéalisation.
 
Toutefois, on ne peut restreindre l'analyse du recours à des spécialistes étrangers à ce paradigme, et en ce sens la Russie a raison. Loin de la position manichéenne française, selon laquelle tout ce qui vient de (son) l'Ouest est bon et de (son) l'Est n'a pas de valeur, la Russie cherche à prendre ce qui peut être enrichissant partout, à l'Est et à l'Ouest. Nous aurions peut être intérêt à sortir de notre nombrillisme culturel, les découvertes seraient alors enrichissantes et surprenantes pour une grande partie non seulement de la population, mais également des dirigeants.
 
Il reste à espérer, en ce qui concerne la formation des hauts fonctionnaires russes, que cela ne se terminera pas par un "copier-coller" du modèle anglo-saxon en Russie, comme cela, malgrè l'expérience ayant déjà démontré l'inefficacité du procédé, ne cesse pourtant de se répéter. Enfin, il serait tout autant souhaitable que la Russie perçoive la différence entre la culture d'administration européenne et américaine. Dans ce cas, le recours à des spécialites étrangers prendrait toute sa valeur.
 
Enfin, ces procédés n'ont un sens que dans le cas précis où l'on sait ce que l'on attend d'un expert. Il ne va pas apporter une vérité bien ficellée prête à l'emploi, mais il peut donner un point de vue, uniquement le sien, sur une expérience. Le travail d'assimilation, qui doit suivre, oblige les élites nationales non seulement à mettre en perspective cette expérience dans le cadre de la culture d'origine, mais également à en apprécier le degrè de compatibilité avec la culture de réception. Les élites russes sont-elles prêtes à faire ce travail?
 
 

mardi 9 juillet 2013

Edinaya Rossiya soutient les candidats d'opposition aux élections locales

Voir: http://izvestia.ru/news/553303
http://izvestia.ru/news/553343
http://www.zaks.ru/new/archive/view/112381

Pour éviter les candidatures fantaisistes, la législation électorale prévoit un "filtre local", autrement dit la nécessité de réunir un certain nombre de signatures. A Moscou, il est de 6% des élus locaux, soit 110 signatures.
 
Aux élections de Moscou, en plus de l'ancien maire S. Sobianine, le communiste I. Melnikov et le candidat de Spravedlivaya Rossiya N. Levitchev ont réuni les signatures nécessaires. Maintenant, le candidat de Iabloko, S. Mitrokhine vient d'annoncer avoir le nombre de signatures suffisant pour déposer sa candidature aux élections. Pour ces candidats venant de partis reconnus, l'opération n'a pas présenté de difficultés particulières. Celles-ci apparaissent pour les candidats plus "particuliers", les candidats dont la réputation a été entâché, ce qui est le cas dans tout système électoral.
 
Il est alors intéressant de souligner les cas de Guénnady Gudkov (qui a dû quitter la Douma après un scandale) et de Alekseï Navalny.
 
G. Gudkov, qui se plaignait du blocage d'Edinaya Rossiya l'empêchant de réunir les signatures nécessaires, les députés étant soi-disant apeurés, n'a pas pensé au fait que ces députés n'avaient peut être pas confiance en lui, ou qu'ils ne voyaient pas l'intérêt de donner leur signature à un opposant politique. Pour éviter les scandales habituels qui entourrent les élections, le gouverneur de la région de Moscou, également candidat à sa succession, a dû intervenir pour enjoindre les députés à donner leur signature à Gudkov, soutenant ainsi le pluralisme politique. Ce sera également un bon moyen de montrer la popularité réelle de G. Gudkov.
 
Quant à A. Navalny, la situation est tout simplement ubuesque. Actuellement sous le coup d'une possible peine de prison de 6 ans pour des traffics liés à l'exploitation du bois à l'époque où le combat contre la corruption n'occupait pas tout son temps, l'association des assemblées locales, sous l'impulsion du parti Edinaya Rossiya, lui a trouvé le nombre de signatures nécessaires, sans qu'il n'ait besoin de s'en occuper. Et malgrè son combat contre ce parti, qu'il appelle le parti des voleurs et des escrocs, il a déjà déclaré accepter les signatures de ces députés, donc, de voleurs et d'escrocs. C'est effectivement ce qui s'appelle avoir des convictions.
 
Indépendamment de l'absurdité de ces tractations, leur existence même montre la défaillance du système politique russe. Quant à la logique de ses mécanismes juridiques électoraux. Et quant à la légitimité des partis politiques.
 
Chaque mécanisme juridique a une logique systémique, il a un sens au regard du système juridique dans son ensemble. En l'occurrence, l'existence d'un "filtre local" doit permettre l'accès aux élections des candidats représentatifs d'un certain électorat et donc d'évincer les candidats peu sérieux. Mais en contournant la règle, il permet de désigner un cercle de candidats acceptables, une sorte de club de politiciens qui décide qui a le droit ou non de jouer.
 
Et cela met en péril la logique partisane de l'organisation juridico-politique. Théoriquement, un parti doit, ou devrait, être composé de personnes partageant une même vision politique de développement de la communauté. Ces personnes doivent donc concentrer leur force pour faire gagner leur vision et donc affaiblir les autres visions possibles. C'est le jeu, c'est normal. Or, ici, en accordant leur signature en soutien à des candidats d'opposition, ils dévoient cette logique. Soit ils n'ont pas particulièrement de vision politique, mais entretiennent une relation clanique qui les conduit à simplement exécuter les ordres quels qu'ils soient, soit les candidats d'opposition ne sont pas réellement d'opposition. Chacun a donc le même but et peut importe les moyens. Quels est alors le sens des partis politiques?
 
Dans tous les cas, recourir à ces tractations, même pour renforcer artificiellement le pluralisme politique, ne peut avoir qu'un effet destructeur.

lundi 8 juillet 2013

La CEDH condamne la Russie pour l'absence de droit de vote des prisonniers

Voir: http://pravo.ru/story/view/86547/

Partant du principe qu'une personne privée de liberté n'est pas obligatoirement privée de ses droits civiques, qu'un prisonnier reste citoyen de son pays, la Russie vient de se faire condamner par la CEDH pour ne pas prévoir la possibilité du droit de vote des prisonniers.
 
Traditionnellement, dans ce genre d'affaires, se pose la question de la limite du pouvoir de contrôle de la CEDH en ce qui concerne la Constitution. En effet, celle-ci ne peut contrôler la compatibilité de la Constitution d'un pays avec la Convention européenne des droits de l'homme, pour la bonne et simple raison que les actes internationaux, catégorie à laquelle appartient la Convention, ont une force juridique inférieure aux normes constitutionnelles, c'est une question de souveraineté.
 
Or, dans l'affaire qui nous intéresse, la Russie n'a pu démontrer que lors des débats constitutionnels, le constituant ait démontré une volonté de retirer le droit de vote des prisonniers. Donc, ici, condamner la Russie à modifier sa législation ne constitue pas en soi une atteinte à sa souveraineté.
 
Le législateur russe, pour exécuter la décision européenne, va alors devoir réfléchir aux mécanismes juridiques permettant cette modification du système législatif, somme toute assez logique.