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vendredi 27 septembre 2013

Possible retour du vote "contre tous" ou la démagogie électorale

Voir: http://www.kommersant.ru/doc/2305856

Créé en 1993, puis annulé en 2005, le "vote contre tous" donnait aux électeurs, qui ne se sentaient pas représentés par les candidats en liste, de l'exprimer en mettant une croix dans la case "contre tous". Avec le bulletin blanc et le bulletin rayé, il constitue une forme de vote protestataire.
 
V. Matvienko, qui préside le Conseil de la Fédération, chambre haute du Parlement, propose de remettre à l'ordre du jour cette possibilité de vote, si populaire dans la population. Il s'agit, selon elle, de garantir les droits électoraux des personnes qui ne veulent pas voter pour un des candidats ou parti en liste, mais également d'affiner le vote pour éviter qu'une personne ne donne sa voix juste pour contrer un autre candidat, alors qu'elle ne partage pas les vues du parti ou du candidat pour lequel elle vote. Les dirigeants des régions sont dans l'ensemble favorables, tout comme les représentants des différents partis politiques. Certains estiment qu'il s'agit là d'un moyen de lutter contre l'abstention, car chacun peut se sentir représenté.
 
Selon une partie des analystes politiques, si le votre contre tous est restauré, il n'aura pas un grand impact sur les résultats électoraux, alors qu'il permettra à moindre frais à Edinaya Rossiya de redorer son image. Par ailleurs, cela devrait encore, avec la démultiplication des partis, disséminer l'électorat contestataire et limiter ainsi les risques d'apparition d'un parti fort d'opposition.
 
Il faut toutefois apporter quelques nuances. Voter contre tous et voter pour un parti d'opposition est une démarche totalement différente:
  •  Tout d'abord, dans ce contexte, le vote contre tous signifie que non seulement l'électeur rejette les partis traditionnels, mais il rejette également les nouveaux partis d'opposition.
  • Ensuite, en votant pour un parti d'opposition, il s'attend à voir des membres de ce parti dans les organes étatiques représentant la population. Or, en votant contre tous, aucun individu ne le représentra lorsqu'il faudra prendre des décisions.
  • Enfin, les voix obtenues sans représentation consécutive directe seront redistribuées. Autrement dit, dans les faits, en votant contre tous, l'électeur favorise les candidats ou partis contre lesquels il a voté.
Pour tenir un discours qui ne soit pas démagogique, il faudrait expliquer cela aux électeurs nostalgiques. L'introduction du vote contre tous était un élément circonstancielle d'une jeune démocratie qui se met en place. Mais c'est un mécanisme qui est dépassé et il ne reste plus que son aspect démagogique.

jeudi 26 septembre 2013

Le prochain discours de V. Poutine au Parlement doit consacrer l'unité nationale

Voir: http://izvestia.ru/news/557652

Mi décembre, V. Poutine doit faire son discours annuel devant le Parlement russe. Le texte du discours est encore en discussion à l'Administration présidentielle et doit passer devant le Front populaire, mais les grandes lignes en sont déjà connues.
 
L'enjeu essentiel de la Russie aujourd'hui est l'instauration de l'idée nationale, de l'unité nationale, face à la diversité ethnique. Autrement dit, il s'agit de sortir du discours de la Russie multi-ethnique, pour s'appuyer sur une Russie Etat-Nation, dont le peuple appartient à différentes ethnies. A l'heure du renforcement des tensions ethniques, l'avènement d'une Russie-Nation est fondamentale. Tout à la fois pour ancrer l'idée d'une appartenance unique au-delà de la diversité, pour ancrer de cette manière le pacte politique qui unit la population d'un pays. Mais encore, la nation est le seul concept en Europe qui permette de justifier et légitimer les frontières. Comme l'histoire russe a déjà largement démontré le danger des revendications nationales, la reconnaissance de la Nation russe doit permettre d'écarter ce risque, en permettant les changements politiques, les changements de politique indépendamment de l'intégrité territoriale.
 
De l'idée de Nation, découle différents concepts. Tout d'abord la souveraineté. Et en liant souveraineté et nation, le Président veut réellement développer un discours sur l'Etat-Nation en Russie, ce qui est une révolution des paradigmes. Le patriotisme, compris dès lors comme le respect et la défense de son pays, qui est sa patrie, figure affective de la nation politique. Et cela entraîne également certains mécanismes et comportements. La lutte contre la corruption, celle-ci ne coïncidant pas très bien avec le patriotisme. La normalisation de l'opposition, à savoir l'intégration dans le système politique de l'opposition non-systémique pour qu'elle puisse participer au développement de l'Etat. Sans oublier les mesures sociales qui doivent permettre de soutenir les couches sociales qui en ont besoin.
 
L'affirmation d'une Russie unie et souveraine dans un monde globalisé et développant des liens inféodant devient réellement la voie russe, troisième voie, conjugant intégration et indépendance.
 
 

mercredi 25 septembre 2013

2 millions de citoyens russes et une bonne centaine de députés veulent le départ du Gouvernement

Voir: http://izvestia.ru/news/557575

Les jours du Gouvernement sont-ils comptés? C'est à en douter, mais ils seront difficiles. Les communistes, avec le soutien d'autres députés, veulent initier un vote de confiance au Gouvernment. Ils peuvent obtenir le vote, mais pourront-ils provoquer la démission du Gouvernement, la question reste ouverte.
 
Même si certains analystes politiques estiment que la démarche du Parti communiste est uniquement une opération de communication, il faut rappeler que 2 millions de citoyens russes ont signé la pétition demandant le départ du Gouvernement (et les signatures continuent à affluer). Nous sommes dès lors très loin de faux-problèmes médiatisés.
 
Au départ, les communistes ne voulaient demander que le départ du ministre de l'enseignement et de la recherche, mais suite à la manière dont l'Académie des sciences a été traitée et face au projet de budget préparé par le Gouvernement, ils se sont décidés pour demander la démission du Gouvernement dans son ensemble.
 
Formellement, il suffit de 90 députés pour pouvoir inscrire ce vote à l'ordre du jour. A ce jour, 101 députés sont prêts à agir (92 communistes et 9 députés du parti Spravedlivaya Rossiya). Mais certains députés, même appartenant à Edinaya Rossiya (surtout les membres du Front populaire de Poutine) sont prêts à se joindre au mouvement, si le PC développe un programme d'action convainquant pour "l'après-Gouvernement". Dans l'ensemble, 120-130 signatures sont attendues, une grande partie des députés, toutes franctions confondues, étant d'accord sur le fait que le Gouvernement, dans sa composition actuelle, n'arrive pas à remplir correctement ses fonctions.
 
Il y a effectivement peu de chances que le vote aboutisse au départ du Gouvernement, mais si ce vote a lieu, ce sera un signal politique très fort, d'autant plus que le Gouvernement est souvent critiqué par la présidence. Serait-ce là le fondement tant attendu?

mardi 24 septembre 2013

Conditions de détention: les Pussy Riot et l'absence d'analyse objective comparée des conditions de détention

Voir: http://www.vedomosti.ru/opinion/news/16681551/nepotoplyaemyj-gulag

Les conditions de détention en Russie, bien que celle-ci soit loin d'être une exception, sont difficiles. Rappelons que, en France, le taux de surpopulation carcérale est de 113% et que notre beau pays tient le record européen du taux de suicide en prison. Quant à l'activité professionnelle en prison, selon l'Observatoire International des Prisons (OIP), "le rapport souligne le manque d'activités en prison, «moins d'une personne sur 11» bénéficiant selon l'OIP d'une formation professionnelle et «moins d'un quart des détenus» exerçant un emploi, dans «des conditions de travail dignes du XIXe siècle au regard du droit». " (voir http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/12/07/01016-20111207ARTFIG00763-les-conditions-de-detention-se-degradent-en-france.php). Quant aux Etats Unis, Amnesty International a épinglé les conditions de détention provisoire, assimilées à des traitements cruels, parfois assimilés à des traitements inhumains et dégradants, en raison d'un isolement excessif. "En février dernier, Amnesty International a exprimé ses inquiétudes dans une lettre au ministre américain de la Justice, Eric Holder, arguant que cet isolement prolongé, conjugué aux autres privations imposées aux détenus de cette unité, s'apparentait à une forme de traitement cruel, inhumain et dégradant." (Voir: http://www.amnesty.org/fr/library/asset/AMR51/030/2011/fr/01e1cb0f-f2d6-4a92-8363-1ac3db9ba761/amr510302011fr.html). Et selon Human Rights Watch, le taux de violences, d'agressions et de viol est très important dans les prisons américaines (officiellement 4,5% de viols). Il semblerait que en 2000, 34000 personnes aient été agressées, sachant que le nombre réel doit être multiplié par trois ou quatre (voir http://www.kapwest.com/conditions-de-detention-aux-etats-unis.html).
 
Tout ceci pour remettre le débat des prisons en Russie dans son contexte. Mais revenons à nos Pussy Riot. Leurs conditions de détention leur sont difficiles à supporter. On peut l'imaginer, c'est bien dommage, mais elles sont les mêmes pour tous les détenus du pays. Si solution il faut trouver, elle doit être systémique.
 
Or, en s'appuyant sur le précédent de Maria Alekhina, qui a pu être transférée et obtenir des conditions plus légères après une campagne médiatique et de nombreux courriers de défenseurs des droits de l'homme, l'autre Pussy Riot tente la même chose. Pour cela, elle annonce une grève de la faim. Pourtant, il semblerait que tout ne se passe pas en douceur.
 
La responsable de l'établissement où est incarcérée Nadejda Tolokonnikova se retourne contre son avocat et son époux pour tentative de corruption et désorganisation du fonctionnement de la prison, lors de leur dernière visite, tendant à obtenir pour leur N. Tolokonnikova un régime spécial de détention, plus conforme à sa fragilité. Refus de la prison, Nadejda pour sa part accuse de menaces à son encontre l'administration pénitentiaire. Bref, une sale histoire, une de plus.
 
Mais ce qui intéressant, est l'interprétation donnée dans le journal Vedomosti. Ainsi, les affaires comme celles de Khodorkovsky ou de Pussy Riot, avec leur médiatisation, ont permis de mieux faire connaître en Russie la réalité des prisons, position reprise par ce journal d'un membre de The New Times. Pourtant, on notera que les lettres de soutien venaient non pas de simples personnes qui, spontanément, envoyaient des courriers indignés par leurs conditions de détentions aux membres Pussy Riot, mais par des défenseurs des droits de l'homme, des structures organisées et fonctionnant dans ce but, professionnellement. Enfin, les conditions du système pénitentiaire russe sont stigmatisées, sans même chercher à montrer comment cela fonctionne dans d'autres pays. Notamment aux Etats Unis qui détient le record du nombre de détenus et voit se développer des prisons privées, pays dans lequel des normes fédérales sur les conditions de détention font défaut et où des commissions de surveillance n'existent pas dans tous les Etats. Si analyse il doit y avoir, et elle est nécessaire, elle doit être comparative. Sinon, les données apportée ne concernent que le cas particulier visé, qui n'est révélateur que de l'importance que la presse veut lui donner.

lundi 23 septembre 2013

Pourquoi l'échec du Conseil de coordination de l'opposition?

Voir: http://www.kommersant.ru/doc/2302839
http://izvestia.ru/news/557480

Arrivé à la fin de son mandat, le Conseil de coordination de l'opposition se pose la question de son avenir, voire tout simplement de l'existence de cet avenir. Les membres influents sont partis ou annoncent leur départ (Nemtsov, Iachine, Gudkov, Cheïn, Navalny ...), seuls la moitié ont participé à la réunion sur l'avenir du mouvement.
 
Qu'ils décident d'organiser de nouvelles élections est un risque car, si la dernière fois ils avaient pu mobiliser environ 85 000 votants (surtout par internet) en s'appuyant sur la vague contestataire, l'indice de participation sera un élément important pour apprécier la viabilité du projet. Le risque de décrédibilisation est d'autant plus réel, que cet organe n'a pu faire les preuves de son efficacité.
 
Dans un pays présenté comme tenu par une minorité autoritaire face à une majorité libérale d'opposition, comment un projet réunissant l'opposition pourrait-il être mort-né? Dans cet état d'esprit, il aurait du être un tsunami politique, dévastant sur son passage les ruines d'un modèle épuisé. Il semblerait donc que certains paramètres ne soient pas si évidents que cela.
 
Tout d'abord ce projet de coordination de l'opposition s'est consolidé dans la foulée de la grande vague des manifestations post électorales de  l'automne 2012. Les slogans étaient simples: annulation des élections législatives, démission de Poutine, nouvelles élections. Le pays pourra alors partir sur des bases saines. Or, les députés sont restés en place après un nettoyage de printemps et la cote de popularité de Poutine ne cesse de monter, tant à l'intérieur, que, Oh surprise, à l'international. La fraction modérée du Conseil demandait des réformes en matière de justice et de la vie politique. Ils ont obtenu l'amestie des hommes d'affaires, la création d'un Ombudsman pour les entrepreneurs, la simplification extrême de l'enregistrement des partis politiques. Le premier mouvement a pris du plomb dans l'aile avec la décision de la CEDH remettant en cause le caractère politique de l'affaire Khodorkovsky et, parallèlement,  l'affaire des experts de Novikova justement sur l'affaire Khodorkovsky , voir nos articles:
Quant à la réforme politique, elle a effectivement pu conduire à l'enregistrement d'un nombre impressionant de partis politiques, ce qui a eu pour effet collatéral de disséminer l'électorat contestataire, d'affaiblir les partis opposants à la Douma et proportionnellement de renforcer Edinaya Rossiya.
Autrement dit, sur le front des réformes structurelles, il est difficile de parler d'un grand succès du Conseil de coordination.
 
Sur le plan des élections, les résultats sont plus tangibles. Malgrè les échecs retentissant de Tchirikova à l'époque aux élections de Khimki et de Gudkov au poste de gouverneur de la région de Moscou, Nemtsov a pu se faire élire député à la Douma régionale de Iaroslav et Navalny a su mobiliser son électorat à Moscou. Passons sur le fait que Edinaya Rossiya les ait aidé à réunir les signatures nécessaires pour la présentation de leur candidature (pour Navalny et Gudkov). D'où la double crise.
 
La première crise est une crise de choix politique, voire de stratégie. Un groupe de personnes s'est soudé, non pas avec un programme constructif, positif, prônant une alternative concrète, mais ils se sont regroupés contre. Contre des processus électoraux, contre un homme, contre un système. Leurs différences idéologiques a rapidement paralysé le fonctionnement de l'organe et à conduit au départ d'un groupe de penseurs, comme Piontkovsky par exemple, transformant le mouvement en Club de discussion. 
 
La deuxième crise est systémique. Ce groupe est composé tout à la fois d'activistes, de penseurs et de politiques. Quand certains font le choix de la politique, leur but est d'être élu, les autres peuvent rester satisfait de la discussion. Soit ils sont effectivement élus et leur présence dans le groupe n'a plus aucun sens. Soit ils ne le sont pas et ne le seront jamais grâce à ce groupe, qui par ailleurs ne leur permet pas une représentativité réelle et leur appartenance au groupe est naturellement remise en question. Soit ils ne sont pas encore élus, mais ont une chance de le devenir et ils leur faut dès lors entrer dans une voie politique normale, qui les conduit vers des partis politiques et non vers des structures para-politiques.
 
Une leçon évidente tirée de cet échec est qu'il n'est pas suffisant pour avoir du poids de regrouper des opposants. L'opposition est elle-même divisée, ce qui est par ailleurs normal dans un système politique normalisé. Et pour enfoncer des portes ouvertes, on peut également souligner qu'elle est justement opposition, car elle est objectivement minoritaire. La démocratie étant le gouvernement de la majorité, elle sera au pouvoir lorsqu'elle sera majoritaire et ne constitura donc plus l'opposition.