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lundi 29 juin 2015

Comment Kiev tente de faire oublier le Maïdan

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Sur le plan juridique, le talon d'Achille du nouveau pouvoir ukrainien est son manque de fondement légal. L'ancien Président V. Yanukovitch n'a toujours pas juridiquement perdu son statut de Président ukrainien et le nouveau Président a élu suite à l'annonce d'élections faites par un Parlement révolutionnaire dans le cadre d'une législation révolutionnaire en en appelant sélectivement à l'ancienne Constitution, toujours unique texte en vigueur. Or selon ce texte, soit Yanukovitch meurt, soit il démissionne soit il est soumis à une procédure d'impeachment. Et il semblerait bien que les conseillers des politiques de Kiev aient lancé une tentative de rachat de Yanukovitch, voulant par la même refonder l'unité territoriale, telle qu'elle était avant le coup d'Etat en reposant une continuité constitutionnelle post factum. Pourtant tout n'est pas aussi simple. 
Reprenons les évènements dans l'ordre.

Il s'agit d'une opération à double volet. Le premier concerne la légitimation a posteriori du pouvoir ukrainien, en le faisant sauter par-dessus le coup d'Etat pour le rattacher directement à Yanukovitch et à l'ancienne/actuelle Constitution ukrainienne. Le second volet serait la reconstitution de l'intégrité territoriale ukrainienne telle que vue depuis Kiev, c'est-à-dire avec la Crimée, sans le Maîdan. Le problème est que ce Maïdan a eu lieu et qu'il est difficile de plier la réalité constitutionnelle à sa volonté politique.

La dernière tentative de légitimation du pouvoir révolutionnaire

On ne gouverne pas en mode révolutionnaire. En tout cas pas longtemps. La législation révolutionnaire et ses organes n'ont de sens qu'un temps limité, celui nécessaire pour faire table rase du passé. Cette phase étant pratiquement menée à son terme, l'Ukraine a besoin de passer au stade suivant: celui de la légitimation.

Il serait possible de s'appuyer sur la population, mais la politique tant économique que sociale ne font que provoquer le mécontentement d'une population qui se voit appauvrir quand ses gouvernants continuent à s'enrichir. Bref, les promesses du Maïdan ont été oubliées. Et la légitimation d'une grande vague populaire demandant et soutenant un autre système n'est pas possible, puisque le système administrativement n'a pas changé, la corruption est de plus en plus prospère, pendant que tout s'écroule. 

Il devient donc impossible pour le pouvoir actuel de fonder sa légitimité sur la Révolution du Maïdan. A l'inverse, il lui faut sauter par dessus ce Maïdan, le faire un peu oublier, pour revenir aux fondamentaux: à la Constitution qui est toujours en vigueur, même si elle est violée par la législation révolutionnaire.

Ainsi, le 4 février 2015, la Rada adopte une loi retirant le titre et les attributs présidentiels à Yanukovitch. En principe un tel procédé n'a strictement aucune valeur juridique, car n'est pas conforme à la Constitution ukrainienne (toujours en vigueur) qui prévoit comme fin anticipée au mandat présidentiel l'impeachment, la mort ou la démission. Après quelques temps, le Président Poroshenko dont la légitimité est intrinsèquement liée à celle de ce régime révolutionnaire vacillante, signe la loi qui est publiée par le journal La Voix de l'Ukraine le 17 juin et elle entre en vigueur le lendemain.

Le 20 juin, Poroshenko saisit la Cour constitutionnelle pour contester la constitutionnalité de cette loi ( qu'il vient donc de signer). De cette manière assez inattendue, l'actuel Président Poroshenko reconnait l'illégitimité du pouvoir politique ukrainien résultant du coup d'Etat.

Le deuxième acte de cette étrange tragédie est l'apparition sur la scène médiatique main stream de l'ancien - mais toujours en vigueur - Président ukrainien Yanukovitch. La BBC, qui ne s'était plus intéressée à lui depuis sa fuite précipitée pour sauver sa vie tout d'abord dans l'Est du pays, puis grâce à l'opération de sauvetage réalisée par la Russie, dans le sud de la Russie; non loin de la frontière ukrainienne.

Ainsi, dans un grand interview d'une vingtaine de minutes  la parole lui est laissée. Plutôt respectueusement. Presque comme à un Président. Est-ce une coïncidence? Pourquoi pas, mais elle tombe bien. 

Il y aurait donc un réel retour potentiel de Yanukovich sur la scène politique, peut être même en Ukraine. Alors quelle sera la suite? Cela dépendra du prix de Yanukovitch. Il peut soit accepter le marché et passer le flambeau, revenir en Ukraine se retirer légalement. Soit il ne jouera pas le jeu et dans ce cas une procédure d'impeachment peut être mise en place. Il y aura eu ainsi une rupture constitutionnelle de deux ans, après une crise majeure. Rien de grave, dans dix ans, tout le monde aura oublié. Le système politique sera rétabli. Formellement. Il lui faudra ensuite gagner la confiance populaire, mais ça c'est vraiment une autre question ...

L'on peut se demander si tout ce spectacle n'est joué que dans l'intérêt de légitimer post factum un pouvoir révolutionnaire qui a  besoin de gouverner. On peut largement en douter. L'enjeu réel est ailleurs: la Crimée

Une tentative de légaliser le retour de la Crimée en Ukraine

Le but de toute cette manœuvre semble être la tentative de légitimer le retour de la Crimée en Ukraine en discréditant le fondement ayant légitimé le recours à son droit à l'autodétermination. 

La Crimée et Sébastopol furent en droit de recourir au droit des peuples à l'autodétermination puisque l'Ukraine était sous l'emprise d'une révolution totale qui a mis en suspend tous les pouvoirs publics, en commençant par la suspension de la Cour constitutionnelle, en passant par la "lustration" du Parlement et la nomination d'un Président qui dirigeait également le Parlement. Bref, confusion des pouvoirs, législation d'exception liberticide, violences et répressions politiques. Dans ce contexte, les populations de Crimée et de Sébastopol étaient en droit de déterminer leur avenir pour - au minimum - garantir leur sécurité.

Mais, justement, en voulant restaurer la légalité constitutionnelle, en tout cas la continuation constitutionnelle, parallèlement au processus de réforme constitutionnelle qui ne se passe pas très bien, le pouvoir à Kiev veut contester a posterio la légitimité des populations de Crimée et de Sébastopol de sortir du cadre étatique ukrainien. 

Pour faire court. Elles avaient décidé de sortir du cadre étatique ukrainien, quand ce cadre étatique n'existait plus. Maintenant que nous le resterons, leur démarche n'est pas fondée, ces territoires restent des territoires ukrainiens. Ils sont donc illégalement occupés par la Russie qui doit les rendre.

Cela semble en effet séduisant, mais légèrement infantile. Tout d'abord, le droit constitutionnel n'apprécie pas la situation rétroactivement ou en faisant une projection hypothétique de l'avenir. Il qualifie juridiquement la situation telle qu'elle est. Lorsque la Crimée et Sébastopol organisent leur referendum et prennent la décision de demander l'entrer dans la Fédération de Russie, quand la Russie prend officiellement la décision de les faire entrer dans la Fédération, le cadre étatique ukrainien n'existe pas. Et contre cela, ni le pouvoir ukrainien actuel, ni leurs conseillers ne peuvent rien. Les exigences ne peuvent toujours se plier au bon vouloirs des conseillers. Les faits dictent le droit. 

Or si alors l'Etat était en faillite, cela implique que la Crimée et Sébastopol sont légalement aujourd'hui dans le cadre étatique fédéral russe. C'était alors qu'il fallait penser à l'intégrité territoriale ukrainienne, trouver un moyen légal politique de changer le système politique, de prendre le pouvoir. Tout a un prix. Le prix de la révolution du Maïdan est au moins aujourd'hui la Crimée et Sébastopol.

Et contre cela le retour de Yanukovitch ne pourra rien. Les faits sont têtus. En revanche, il peut permettre de sortir formellement de la situation révolutionnaire dans laquelle s'empêtre le pouvoir à Kiev. Mais cela n'aurait de toute manière de sens que si ce pouvoir était prêt à réellement suivre le droit, également lorsque cela contrevient à sa volonté absolument souveraine. Bref, pour reprendre une petite phrase déjà devenue célèbre: on aimerait bien voir des adultes autour de la table.

2 commentaires:

  1. Ils se sont laissé berner par les USA et l’UE et ils en font payer le prix à tout le pays et à toute la population quoi !

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  2. Bonjour,

    Je vais donner mon avis sur cet article qui pour moi contient des éléments essentiels, mais ce n'est que l'avis de quelqu’un qui n'est pas juriste. Pourtant le doit international me semble essentiel dans l'histoire.

    Vous dites :
    « Le prix de la révolution du Maïdan est au moins aujourd’hui la Crimée et Sébastopol.

    Et contre cela le retour de Yanukovitch ne pourra rien. Les faits sont têtus. ... »

    Je réponds à cela « tout à fait », car « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans », nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, ce qui est je crois un principe de droit international. C'est à dire qu'ils ne peuvent absolument pas violer la loi fondamentale de leur pays, la constitution, et l’invoquer par après au bénéfice de leur cause.

    Il faut ajouter, dans le même sens, qu'à partir du coup d'état qui a suivi le "Maidan" (je fais la différence entre le soulèvement populaire, même manipulé, et le coup d'état), il y a eu ce que j'appellerais un vide d'état (je ne connais pas le terme exact), c'est à dire une transition pendant laquelle aucune des partie de l'ancien état n'est obligée d'accepter de rejoindre le nouvel état. C'est pour cette même raison que l'Union Soviétique ne s'est pas formée directement en 1917, mais qu'il a fallu attendre l’Accord de l’Union soviétique en 1922 pour qu'elle puisse être formée sur d'autres bases que l'ancien Empire Russe. C'est aussi pour cette raison qu'à la chute de l'URSS, la Russie a dû lancer un processus constitutionnel.

    En Ukraine, cela n'a pas été fait. Donc le coup d'état a fait long feu sans reconstitution de l'état. Ainsi, hors les risques d'utilisation de la force contre eux (comme au Donbass), aucun des territoires de l'ex-Ukraine n'est légalement obligé de se considérer comme partie intégrante de la "nouvelle" Ukraine (qui n'existe pas dans les textes puisqu'il n'y a pas eu de nouvelle constitution).

    Tout ça pourrait donc aller beaucoup plus loin que la perte de la Crimée pour l'Ukraine, puisque les différentes parties du pays, Donbass en tête bien sûr, pourraient légitimement vouloir être rattachées à un autre pays ou réclamer leur indépendance en cas de retour du président Yanukovitch et de l'ancienne constitution. D'autre part ça signifierait que les lois qui ne respectent pas cette constitution devraient être abolies.

    La question qui demeure est alors « quelle serait la réaction des USA, de Soros, Nuland, McCain, & C° ? ».

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