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mardi 23 juin 2015

Quand Koudrine se verrait bien au Kremlin


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Il était une fois ... Il était une fois un puissant calife, bien aimé de son peuple, Haroun El-Poussah, qui fit le désespoir de son pas si fidèle vizir, Iznogoud qui veut le pouvoir pour lui seul. Et le calife ne voit rien. Pourquoi je vous raconte cette histoire? Car le triste sir A. Koudrine vient de faire son coming out. Non, ses préférences sexuelles ne nous intéressent pas. Ce sont ses préférences politiques qui sont intéressantes. Et il vient de le crier haut et fort: il veut être calife à la place du calife. Sinon comment interpréter son insistance à provoquer, sans raison objective, des élections présidentielles anticipées en Russie?



L'équilibre politique est très fragile en Russie, car il est emprunt de tous les fantômes et fantasmes du passé et de l'image de ces mythiques "pays civilisés", expression qui renvoie dans le langage courant russe aux pays Occidentaux. Expression très criticable, mais très révélatrice. Révélatrice de cette peur presque viscérale de la fermeture, de l'enfermement sur soi-même. Révélatrice de cette révérance, souvent  - hélas injustifiée -  envers les pays occidentaux d'aujourd'hui, au nom de cultures d'hier qui n'ont, encore hélas, plus cours dans ces mêmes pays. 

Ce contexte particulier explique la recherche continue d'un équilibre entre un certain patriotisme, qui ne doit pas être trop encombrant tout en étant vivant, et un libéralisme bon ton qui doit se couler dans le moule. Et en donne l'apparence.

Or il s'agit bien d'apparence. Car ce "libéralisme d'Etat", garant d'une chute vers les extrêmes, est lui aussi en train de sombrer vers son "extrême" naturel, assez répandu en fait aujourd'hui - justement  -dans nos "sociétés civilisées", à savoir ce glissement qui s'est opéré vers le néolibéralisme. 

Alors que le libéralisme garde une place à l'Etat dans la régulation du marché et des rapports sociaux, le néolibéralisme discrédite l'Etat comme institution à même de réguler la société, délégitime les institutions étatiques, amenant leur remplacement par ces mythiques organes de la société civile, dotés a priori de toutes les qualités qui sont déniées à l'Etat. Société civile dont la seule légitimité est justement de ne pas être étatique.

En Russie, ce nouveau virage a longtemps traîné, fit long feu, par manque de leader. L'opposition politique "classique" libérale est sans base électorale, dotée de leaders plus faibles les uns que les autres, tant politiquement qu'intellectuellement, depuis leurs échecs des années 90 lorsqu'elle était au pouvoir. Leur seul poids est à l'étranger. Or, une nouvelle figure se dessine. Alexeï Koudrine. Cet ancien ministre des finances, parti du Gouvernement suite à un conflit avec D. Medvedev. Mais qui reste très impliqué dans la politique nationale en raison de ses liens personnels avec le Président V. Poutine et de sa participation à différents Conseils. Aura de compétence et d'intégrité.

Alors que le Parlement adopte le texte permettant de modifier de quelques mois, pour des raisons techniques, la date des élections législatives, le clan Koudrine se met en marche et sort de l'ombre. Cela commence avec une déclaration dans le journal d'affaire Vedomosti de l'analyste et économiste E. Gontmakher qui lance l'idée d'élections présidentielles anticipées. Selon lui, V. Poutine pourrait tenter, au printemps 2016, en s'appuyant sur la force d'inertie de sa cote de popularité, de se faire réélir. Gontmakher est une des figures de proue du néolibéralisme russe. Mais ce n'est pas tête de pont. Il ne fait qu'ouvrir la voie.

Et lorsque A. Koudrine prend la parole au Forum économique de St Pétersbourg, il déplace le curseur. Il ne s'agit déjà plus de la possible volonté de V. Pouutine, volonté fantasmée par Gontmakher, mais d'une proposition de Koudrine lui même, qui voit dans l'organisation d'élections anticipées un moyen de lancer un grand progamme de réformes avec un nouveau Gouvernment ... sur le modèle du Kazakhstan.

Et là tout est dit. Et sur le Kazakhstan et sur l'initiative de Koudrine. En ce qui concerne le Kazakhstan, nous venons donc de recevoir confirmation des négociations politiques, qui n'ont qu'un lien très éloigné avec les processus démocratiques, car n'impliquent pas le peuple kazakh. En ce qui concerne le "plan Koudrine", poser le Kazakhstan en modèle pour la Russie pourrait faire sourire, s'il n'indiquait à quel point les personnes qui l'ont mis au point ne comprennent rien à ce qui se passe en Russie. D'où une autre question: A. Koudrine et son organisation "Platforme citoyenne" sont-ils à l'origine de cette idée, et sont donc totalement décalés de la réalité socio-politique russe, ou n'en sont-ils que les porte-paroles? Dans les deux cas, il devient difficile de les voir en alternative réaliste.

Le directeur de l'Administration présidentielle, S. Ivanov, a déjà déclaré à la télévision lors d'une émission politique de grande écoute que cette initiative est sans fondement. Et le premier vice Premier ministre Chuvalov a lui aussi déclaré que ce n'était pas d'actualité.

En effet, comment justifer des élections anticipées? La cote de popularité ne baisse pas et ferait pâlir d'envie les dirigeants européens, qui mènent une politique décalée des besoins de leur population. Il n'y a pas de crise politique ou sociale qui remettrait en cause la légitimité des gouvernants actuels.

En conclusion, on soulignera cette habitude particulièrement destructrice de hisser à la tête de l'opposition des individus qui ne s'opposent pas aux choix de gouvernance, choix toujours discutables, mais qui, à partir du moment où ils atteignent ce statut "d'opposant en chef", veulent changer tout le système, les règles du jeu.

A. Koudrine est sorti de la logique "classique" de l'opposition libérale, pour entrer dans une opposition néolibérale avouée, antiétatique. Espèrons que V. Poutine ne restera pas éternellement dans le rôle de Haroun El-Poussah, ce serait extrêmement dangereux avec le temps qui passe. Mais c'est aussi un risque réel, avec l'assurance trompeuse que donne un long exercice du pouvoir.

1 commentaire:

  1. Karine, "Iznogood", très bien trouvé. Oncle Koudrine est depuis longtemps est un chef de fil de Gontmakher & C°, mais là, à mon humble avis, il s'est précipité une choya. Pour un ministre, même "ex", de finance c'est un peu con con!

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